De Murillo à Aguerro
"Ô Jammes, elle était donc si profonde la plaie
Ouverte en ton cœur un soir d’été plein d’abeilles
Par la tant belle nue….
Et réparer le trou du cœur avec des feuilles
Comme la haie des poules après la percée
Du renard d’or. C’est un peu grâce à lui du reste,
Comme s’il avait laissé une griffe dans ta chaussure,
Que ton vers continue de boiter sur les chemins
Du ciel.
A présent Jammes, qu’au carrefour du paradis,
Tu règles la circulation- Priorité
Aux jeunes filles pâles et nues, aux ânes qui sourient !
Ferme les yeux, je t’en prie, sur le malotru
Qui roule à gauche et prend des chemins de traverse
Pour dire cette vie à vau-l’eau qui le dépasse
De tous côtés comme un champ par l’orage en plein
Midi, et le ciel est au bas du talus, et
Sa foi d’enfant, ce grand jeu d’images tressautantes
Que grand-père lui détaillait. Ferme les yeux,
Jammes, pour qu’au jour dit la route me soit ouverte,
Que le gosse d’hier debout sur son vélo,
Ayant repris mon vieux fond de commerce, triomphe
Enfin du doute, du mal amour et de l’oubli.
Ô Seigneur qui dormez entre la camomille
Et le sainfoin, laissez-moi donc dans votre attente
Croire au paradis des ânes, et qu’il me sera
Donné à moi aussi, par un jour de pluie bleue,
De braire tout doucement sur la grimpette étroite
Qui borde les nuages et qui mène tout droit
Entre les bras du vieux poète délicieux.
Guy Goffette