Ivresse des vibrations printanières
L'air est si léger. Les nuages baguenaudent dans le ciel tendre. Pas encore la lourdeur des alto-cumulus qui gonflent sur l'océan et éclatent sur nos terres , en soirée , après des heures d'attente . Dans mon enfance , angoisse, pourvu que ça passe à côté.. question de récoltes , donc de survie.
Les chemins creux sont toujours tentants ou alors cette petite route qui à l'air de filer droit dans un bois. Arrêter la voiture, décider que c'est là. Un peu au hasard, pas tout à fait car on acquiert un certain savoir-faire dans le choix. Ce chemin là sera, une fois encore , au-delà de mes espérances. Quelques méandres du Leuy de France et une passerelle prometteuse au-dessus des prêles dans un clair obscur de sous bois de peupliers et de saules. Hum!
Le sentier file vite vers le côteau là-haut. La folle avoine des bas-côtés caresse les mollets. Adopter un pas vif mais avec une pause tous les cinquante pas. Les talus sont un foisonnement de milliers de miniatures étoilées bleues et blanches dont personne ne m'a révélé le nom. C'est un méli- mélo de plantes sauvages qui n'ont jamais demandé de travail à personne.
Un enchevêtrement savant de fleurs et de graminées: " pousse-toi un peu, laisse - moi un peu de place"! Le chèvre-feuille enlace très audacieusement les églantiers et les roses sauvages réticentes d'épines. ( ce n'est pas l'époque mais je tente une bouture) . Les coquelicots rouge -ardent sont une évidence dans les champs de blé argentés et ondoyants. Les glaïeuls sauvages se distinguent par la beauté franche et lumineuse de leur rose. Les sureaux sont dans toute leur magnificence et portent haut leurs ombelles à tous les stades de leur éclosion. Tout au long des prairies c'est une vibration insistante et capiteuse de milliers de criquets qui n'ont aucunement l'air d'importuner un troupeau de vaches blanches. Elles sont d'un flegme inégalable. Elles mâchouillent leur brin d'herbe et fixent , alanguies , les Pyrénées dans le lointain . A moins qu'elle n'aient obéi au magnétisme d'un invisible axe Nord -Sud.
A l'habitude, fermer les yeux, sur cinquante pas, en évitant la sortie de route. Se laisser envahir par l'odeur capiteuse des foins coupés. Discerner les subtilités de ce tissu musical en sur-impressions de vies nouvelles ou retrouvées.( Demain, j'achète un dictaphone et je le promène avec mon appareil photo.)
Un petit cimetière de quelques âmes en face d'une grande ferme. Plus loin , une dame s'affaire dans son jardin. J'établis le lien d'empathie évidente : " Vous avez sulfaté les tomates? déjà et tous les combiens? l'amorce de converation lui plait. Elle me conseille de poursuivre vers Bassercles et de prendre le chemin des philosophes...ça me plaît encore plus!