Perlimpinpin schizophrène

Très chaud dehors; temps de sieste, de croiser les doigts de pied et de me suspendre à  la glycine qui balance sereinement.

J'entends à la radio :" Misrita : 800 morts; des camions d'essence lancés contre les habitations; Abidjan: la peur, la faim, la mort.

Schizophrénie! Incompréhension totale. L'homme n'a pas évolué depuis la préhistoire.

Savoir ...prendre connaissance...et puis ? Tutsis, Hutus, Issas, Bantous, Chiites, Sunnites, Tchéchènes, Serbes, Croates.....   c'est un cercle infernal,  autour de soi, si loin, si près à chaque bulletin.

Une amie a rencontré le journaliste J.P Campagne , qui a travaillé en Somalie , et publié  Dépêches de Somalie. Je reprends une lecture.

"Train de nuit

Le jeune guérillero s'est endormi, son menton appuyé sur le canon de sa Kalachnikov, sa tête aux cheveux embroussaillés suit les cahots. Si le train freine brutalement, s'il déraille, la balle engagée dans le canon traversera sa tête, rapide, du menton au front.

Il dort, exténué. Les clandestins se faufilent jusque dans le wagon de première classe. Les banquettes sont trouées, les ventilos encrassés, le bac à glace, sans glaçons. La guerre civile n'a épargné que les anciens écriteaux dans les gares. Bureau du sous-chef de gare est-il écrit en français. Des coups de feu claquent, le train s'arrête. Les guerriers Issas l'ont pris d'assaut, aucune riposte. Les clandestins se sont aplatis sur le toit des wagons. Les guerriers prennent position aux fenêtres, fusils automatiques et longs poignards recourbés à la ceinture. Ils sourient férocement, ils sont en guerre, ils vont tomber sur un village à l'aube. Le guerillero s'est éveillé, il ne dit rien, ce n'est pas sa guerre, il vient tout juste de prendre le pouvoir dans la capitale.

Les Issas sont les Peaux-Rouges de ce coin de désert, ils ont refusé très longtemps le passage du train sur leurs terres. Puis un ingénieur français, un jour, a écarté ses jambes sur le sol et a expliqué que le train ne prendrait pas plus de place. Il a menti mais les guerriers n'avaient pas le sens de la longueur, de la distance..

Les Issas sont descendus avant la ville, leurs couteaux doivent travailler dans le petit matin. Il monte une odeur d'absinthe écrasée.

Des centaines de prisonniers attendent, assis dans la poussière de la cour de la gare. Nu- tête, désarmés, ils ont perdu une guerre qui n'était pas la leur, mais celle d'un dictateur. Le muezzin est en retard, il chante sa prière alors que le soleil rase les nuques courbées des prisonniers. La ville est chaude et poussièreuse. Elle est née d'un songe, d'un train reliant les hauts plateaux abyssins à la mer Rouge. Plus haut, une autre ville, un mythe de pierre et d'éther."

" Femmes , ânes

Les coups de feu se taisent , la vie reprend, inégale. Les très pauvres surgissent du bush, femmes, noires, silencieuses. Elles portent pendant des heures des fagots de bois arrachés aux arbustes. La corde qui lie le fagot s'incruste dans la chair de leur front. Toutes jeunes, très vieilles, elles avancent sous le soleil, vers le marché. Seules , intouchables. Il n'y a pas de solidarité, de compassion. Allah vous a fait naître à cette place. Misérable,puante. Les plus pauvres sont les plus noirs de peau , d'origine bantoue. Je les ai découverts, grattant la terre dans les vastes plantations  de Janale, sur la rivière Shebelle. Je les retrouve dans cette banlieue de misère innommable, pauvres déplacés par la guerre, vulnérables sous leurs cahutes de branchages et de morceaux de plastique. Les femmes triment, bois, eau.

Toujours les femmes , et les ânes."

Comments

[dudu]

juste une idée mais il s'agit aussi de notre survie:débrancher la radio pour savourer l'instant et si quelqu'un passe par là un bon massage de pied tout simple.

[si-peu-de-nous.over-blog.com]

A ma radio, j'ai préféré écouter Perlinpinpin de Barbara. Je l'ajoute au texte.