Wikis cueillette
Trois hectares de vergers. Les achtinidias attendent sous leurs larges et épaisses feuilles vertes qui les protègent des gelées.
Nous sommes trente , d'attaque. Hotte kangourou sur la poitrine maintenue par deux lanières qui nous scieront les épaules sous le poids dans quelques heures. Ce n'est pas difficile : le fruit se détache facilement .On ne trie plus les fruits suivant le calibre en longues hésitations. Désormais une machine écarte les petits, les gros et les difformes.Tout ce qui n'est pas normé restera pour la famille, vitamines hivernales.
Pas de Pakistanais illicitement sous payés comme dans les champs espagnols.
Ici , contrôle maximum.
Cinq ans à peine, tout le voisinage se retrouvait , des vieux utiles aux enfants réjouis, pour cette tâche collective qui hésitait entre l'appellation " fête " ou " labeur" . Gens d'ici, qui se comprenaient. A la bonne franquette.
Aujourd'hui , les quelques anciens , sous leurs casquettes et imperméables maïsadour , sont étonnés par les nouvelles recrues : gens de la ville retirés en campagne ( on se demande pourquoi) et cette bande de jeunes filles trentenaires venues du canton d'à côté. Elles ont le rire facile, le cheveu rouge ou bleu, des anneaux au nez , aux lèvres et à la langue ( du moins de ce qui est visible), et des tenues punkies multicolores .Elles parlent haut et très fort de tout et surtout de ce qu'on sait et qui ne se dit pas. Elles rient aux éclats des fruits aux formes évocatrices .
Elles se moquent de tout mais ne cachent pas leurs vie difficile avec la vieille voiture , la chambre dans le camion, le coût du téléphone.
Les hommes d'ici trouvent ces filles vulgaires. Cependant, personne n'osera un mot de trop car on sait que si l'une est
froissée où pas assez considérée par le patron, c'est toute la bande qui s'enfuira. Et ce sont filles qui bossent.
Finalement cette volée de filles qui n'a pas froid aux yeux, mettra du piquant à la cueillette longue et répétitive de ce fruit dur , d'une teinte vert de gris plutôt terne.