Juste de l'autre côté
Espagne : Le Ministère de l’Intérieur projette de qualifier la résistance passive
d’attentat contre l’autorité. (Publico)
Luis Giménez San Miguel
Le Ministre de l’Intérieur, Jorge Fernández Díaz, annonce que le fait d’organiser des rassemblements protestataires par Internet sera qualifié de « délit de participation à une organisation
criminelle ».
Le gouvernement de Mariano Rajoy est conscient que le démantèlement du système social ainsi que la réforme du travail vont continuer de durcir le climat insurrectionnel présent dans les rues.
Cela est apparu nettement lors des mobilisations des Indignés du 15-M [1 <http://www.legrandsoir.info/espagne-le-ministere-de-l-interieur-projette-de-qualifier-la-resistance-passive-d-attentat-contre-l-autorite-publico.html#nb1> ], des étudiants
du « Printemps Valencien » et de la grève générale du 29 mars 2012. Face à l’escalade de la tension sociale, l’Exécutif a décidé de « réformer en profondeur » le Code Pénal, la loi de Procédure
Criminelle et la Loi Organique de Protection de la Sécurité des citoyens.
Aujourd’hui, au cours de la séance de contrôle du Congrès, le ministre de l’Intérieur, Jorge Fernández Díaz a justifié ce durcissement en alléguant la nécessité de lutter contre ce qu’il appelle
« une spirale de violence » pratiquée par ce qu’il a qualifié de « collectifs anti-système » qui pratiquent des « techniques de guerre urbaine », selon Europa Press. Mais la législation dépasse
largement la mise au pas des protestataires, elle vise la mise en place d’une batterie de restrictions des droits.
Le but de toutes les mesures qui ont été annoncées ces derniers jours, et de celle que le Ministre de l’Intérieur a présentée aujourd’hui est de renforcer le maintien de l’ordre public.
Cependant, les protestataires ne sont pas la cible unique des réformes que proposent les conservateurs. Une autre de leurs propositions est de qualifier la résistance passive ou fortement active
de « délit d’attentat contre l’autorité ». Ceci est une référence claire aux mobilisations estudiantines de Valence et au Mouvement 15-M. Avec cette législation, pourraient être condamnées pour
attentat toutes les personnes participant aux mobilisations des Indignés, qui le plus souvent sont organisées sans notification préalable à la Délégation
La participation à ces manifestations ne sera pas le seul acte à être réprimé. La réforme proposée prévoit que sera considéré comme « délit d’appartenance à une organisation criminelle » le fait
de diffuser via Internet et les réseaux sociaux les appels à des rassemblements « protestataires susceptibles d’altérer gravement l’ordre public », ce qui concerne tous ceux qui n’auraient pas
été notifiés et qui s’accompagneraient du refus de vider les lieux malgré l’avertissement de la Police. Exactement ce qui s’est passé le 15 mai 2011 et les jours qui ont suivi, place de la Puerta
del Sol à Madrid.
L’Espagne a le taux de détenus le plus élevé d’Europe Occidentale et les indices de criminalité les plus bas. Néanmoins, seront incluses aussi « toutes les formes d’agression » attaque violente à
l’encontre d’un policier, les menaces et comportements synonymes d’intimidation ou le jet de projectiles dangereux.
Une autre mesure, signalée par Europa Press, permettra de considérer comme circonstance aggravante le fait de perpétrer ces actions violentes dans des manifestations ou des rassemblements. Sera
considéré comme délit contrevenant à l’ordre public le fait de pénétrer dans des établissements publics ou d’entraver l’accès à ces derniers. En conséquence, la quantité des dégâts comptabilisée
sera étendue non seulement à ceux commis dans ces établissements mais aussi à ceux engendrés par l’interruption du service public.
Bien que le Ministre de l’Intérieur ait déclaré : « Il ne s’agit pas seulement de répondre avec le Code Pénal à des initiatives de guérilla urbaine qui tendent à proliférer dans nos rues,
mais il ne s’agit pas non plus de nous installer dans une béatitude juridique », l’Espagne possède déjà un Code Pénal dur par rapport à celui des autres pays européens.
Il est de fait qu’actuellement, l’Espagne possède le taux de détenus le plus élevé de toute l’Europe occidentale. En revanche, ses indices de criminalité sont, pour le moment, parmi les plus
bas.
Luis Giménez San Miguel
« Ils pourront couper les fleurs, mais ils n’auront jamais le printemps », Pablo Neruda |2|
Valencia, fief historique du PP (Parti Populaire, droite conservatrice au pouvoir), croule sous les histoires de corruption et nombreux sont les méga projets disproportionnés, véritables
éléphants blancs qui saignent le contribuable qui n’en profite pas toujours (Formule 1, America’s Cup, aéroport sans avion de Castellon, le complexe « Agora » et le projet avorté des tours de
Calatrava, la liste est longue…). A force de mauvaise gestion est arrivée la crise qui permit de justifier les fameux plans de rigueur avec ses coupes dans les dépenses publiques à la clef.
L’austérité diminuant le pouvoir d’achat des plus affectés a de quoi choquer dans le pays valencien, connu pour sa corruption endémique et son endettement, le plus important après celui de la
Catalogne.
Coïncidant avec une vague de froid inhabituelle, les images d’enfants emmitouflés dans des blousons et couvertures dans leurs salles de classe ont choqué la population. Mi-janvier, Francisco
Tejedor, élève de l’institut Almassora, fut expulsé de son établissement pour avoir publié sur Internet une photo de ses camarades dans la salle de classe, emmitouflés dans des
couvertures |3|. Exaspérés, les collégiens de Lluis Vives, établissement central de Valencia, bloquèrent régulièrement la circulation devant leur école en
signe de protestation contre les coupes budgétaires dans l’éducation qui durant tout l’hiver les ont privé de chauffage dans les classes de cours |4|. Le
mercredi 15 février 2012, neuf mois jour pour jour après l’élan d’indignation du 15 mai |5|, l’intervention des forces de répression qui pourchassaient des
mineurs dans les rues, provocant de nombreux blessés et des incarcérations, fait resurgir des images de la récente dictature franquiste que la population préférerait oublier. Les manifestations
qui se déroulaient devant le collège Lluis Vives se déplacent alors devant le commissariat pour exiger la libération des détenus. Dans une spirale répressive infernale, la police contrôle chacun
d’eux avant de les embarquer. Le mouvement naissant, appuyé par des centaines de jeunes solidaires provenant d’autres établissements, exige en vain la fin de la répression. Dès lors, les
manifestations sont quotidiennes, la démission de la déléguée du gouvernement à Valencia, Paula Sánchez de León, est réclamée à chaque regroupement, des livres sont brandis en signe de
protestation pour exiger une éducation digne et gratuite, le PP est décrié comme premier responsable et une concentration a lieu devant son siège, les actions de solidarité se multiplient dans
tout le pays et même au niveau international.
Madrid le 11/04/2012